Il peut être difficile de faire face aux attentes d’une famille et d’amis bien intentionnés.
Pauline se souvient de ce que sa mère lui a dit il y a deux ans, le jour de son anniversaire : « Joyeux anniversaire ! Puisque tu as 25 ans maintenant, je suppose que c’est le moment de mettre ton chapeau de la Sainte-Catherine ! »
En France, la tradition de la Sainte-Catherine remonte au Moyen-Âge, lorsque toutes les jeunes filles non mariées défilaient dans les rues en portant des chapeaux inhabituels afin d’attirer l’attention de futurs maris potentiels. Même si la carrière de Pauline en tant qu’assistante maternelle avait pris un bon départ, son emploi du temps était rempli de fêtes et de temps avec des amis, le commentaire de sa mère lui faisait comprendre que cela ne suffisait pas et qu’elle devrait déjà être mariée.
La pression sociale est-elle différente pour une personne hétérosexuelle et une personne homosexuelle ?
La pression n’est en soit pas différente pour une personne homosexuelle.
Ce qui peut différer c’est le contexte et la façon de vivre son homosexualité.
Il faut bien faire la différence entre célibat choisi et célibat subit. Lorsqu’on choisit d’être célibataire, les réflexions de tata Germaine sont simplement agaçantes.
En revanche, si nous sommes célibataires car nous ne trouvons pas l’amour, les réflexions deviennent blessantes, vexantes, et peuvent être très mal vécues, voir même mener à la dépression.
Ce qui diffère pour un homme ou une femme homosexuelle dans ce cas c’est :
- La difficulté à trouver la personne qui partagera sa vie. Car même si les méthodes de dragues sont les mêmes que pour une personne hétérosexuelle, la difficulté peut-être de savoir où rencontre une femme lesbienne ou un homme gay.
- L’incompréhension de votre famille. Parfois notre famille voit une évidence, une personne géniale qui vous tourne autour mais dont vous ne voulez pas. Et vous n’arrivez pas à leur expliquer, tout simplement car vous n’avez pas osé faire votre coming-out pour le moment.
Faire face aux petites pressions
Pauline reconnait que son 25e anniversaire a marqué le premier jour où elle a ressenti une « pression ». Aujourd’hui âgée de 27 ans, elle déclare : « Je ne suis pas le genre de personne qui veut un mari, peu importe ce qu’il en coûte. Mais le mariage de ma soeur cet été a fait remonter un peu de solitude ».
La pression d’être célibataire vient plus tard pour les jeunes femmes d’aujourd’hui, « vers 28-29 ans, quand les mariages sont plus fréquents », dit Charlotte, 29 ans, médecin à Paris. « A l’approche de la trentaine, je vois mes amies se marier les unes après les autres, avoir des bébés. J’ai peur d’être la dernière de mon groupe d’amies à faire le grand saut.
« Être célibataire finit par peser lourd, surtout pour les femmes », dit Claire-Marie, 29 ans. « Voir arriver ma trentaine me fait prendre conscience de mon horloge biologique. J’aimerais avoir plusieurs enfants, mais pas dans la quarantaine. »
Une femme philippine de 30 ans porte une histoire personnelle plus lourde : « Mes parents ont divorcé quand j’avais 8 ans. Profondément catholique, j’aimerais trouver quelqu’un qui partage mes valeurs, mais il faut que ce soit la bonne, parce que je ne veux pas répéter ce que mes parents ont vécu ». Tiraillés entre un désir profond de s’impliquer et la peur de faire le mauvais choix, certains célibataires ont l’impression de stagner. Avec le temps, la pression monte.
Si les hommes sont un peu mieux lotis dans cette situation, ils ne sont pas épargnés par la pression. Philippe, 31 ans, consultant en gestion de patrimoine, le confirme : « Mon travail est passionnant, j’ai beaucoup d’amis, bref, je ne m’ennuie pas. Mais ce n’est pas l’avis de ma grand-mère, qui me demande sans cesse quand je vais lui amener une petite-fille. A long terme, c’est fatigant ». Et Corey, un charpentier de 31 ans, dit : « J’aimerais me marier et fonder une famille, mais j’ai peur de ne pas être encore dans une situation assez stable ».
Gaëtan Bonnasse, aumônier du groupe de jeunes de Saint John, offre un soutien aux célibataires pendant cette période charnière de la trentaine, « l’âge des premiers espoirs non réalisés, des premiers rêves brisés ». Après sept ans passés à leurs côtés, son constat est clair. « Tous sont porteurs d’une véritable souffrance, enfouie au plus profond d’eux-mêmes ou ouvertement avouée. Ils ont souvent l’impression qu’ils sont inutiles, qu’ils n’ont pas encore trouvé leur place dans la société ».
Être célibataire n’exclut pas le don de soi
Paradoxalement, la société moderne, en idéalisant le fait d’être célibataire, n’a pas réussi à éliminer le côté difficile. Aux yeux du monde, les trentenaires célibataires représentent la jeunesse éternelle, la liberté et une opportunité sans précédent. Pourtant, la souffrance est là, ce qui montre que « les hommes et les femmes ne sont pas faits pour vivre seuls ». Il n’y a pas de vocation à être célibataire en soi, dans le sens où nous n’y sommes pas appelés. L’aspiration à vivre avec une autre personne, le désir d’être avec d’autres, est intimement lié à notre nature », confirme le frère Gaëtan.
Être célibataire devient douloureux à partir du moment où ce n’est pas choisi, mais subi. Cependant, Gaëtan qui rencontre régulièrement des célibataires est enthousiaste : « Ce sont des gens formidables à accompagner : ils sont pleins d’attentes et de questions et ne sont jamais blasés ! Ils n’hésitent pas à s’impliquer ». Il veut nous rassurer sur ce point : « Les célibataires ne sont pas inutiles, ils portent des fruits. C’est une fécondité qui n’est pas partagée, certes, mais une fécondité dans la sainteté ». Il précise que « la sainteté, dans le don de soi, est la destination finale. Le mariage et la vocation sacerdotale ne sont que les moyens ». Et le fait d’être célibataire n’exclut pas le don de soi, confirme Claire-Marie : « Je constate que le célibat me rend très disponible pour mes neveux et nièces : grâce à cela, j’ai une relation de confiance qu’ils n’ont pas avec d’autres adultes. »
Décider de rester célibataire ne signifie pas que vous devez en être affligé
Claire Lesegretain, journaliste et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, donne deux grands mots de conseils : « D’une part, il est essentiel de lutter contre l’obsession capiteuse du mariage, de ne pas se laisser submerger par une recherche frénétique car cela peut biaiser les relations. D’autre part, il faut continuer à développer de véritables amitiés, sans arrière-pensée, car c’est en aimant l’amitié que l’on s’entraîne à aimer avec amour ».
Marie-Liesse Malbrancke a lancé à juste titre Sésame, un voyage pour les jeunes femmes qui ramène le statut de célibataire, « un non-choix qui peut devenir vraiment fructueux, si l’on donne sa vie. Être célibataire et être heureuse ne s’excluent pas mutuellement ». L’un de ses ateliers porte sur l’amour de soi. Elle encourage toutes les femmes à identifier leurs propres talents, à cultiver leur féminité. Elle leur fait même faire un exercice unique : écrire une lettre à leur corps, car « Comment peut-on aimer une autre personne quand on ne s’aime pas pour ce qu’on est ? Les chorales, les rencontres avec d’autres jeunes catholiques, les groupes d’évangélisation sont des lieux de socialisation pour les célibataires.
Gaëtan a créé une fraternité d’hommes entre 25 et 40 ans, « parce que l’Eglise doit les accompagner dans cette dimension ». Il encourage les célibataires qui ont peur de faire le mauvais choix à abaisser leur niveau d’attente. « Le mari ou la femme sera celui ou celle que vous choisirez et déciderez d’aimer ». Mais le mot clé est l’engagement. « N’ayez pas peur de quitter votre caverne, de sortir de votre zone de confort, d’accueillir les relations. Soyez audacieux, foncez ! »